Read Ebook: Mémoires de Madame la Duchesse de Tourzel tome premier Gouvernante des enfants de France pendant les années 1789 à 1795 by Tourzel Louise Elisabeth Duchesse De Des Cars Fran Ois Joseph De P Russe Duc Editor
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Ebook has 850 lines and 101545 words, and 17 pages
Enfin, le 9 juillet 1786, naissait ? Versailles Sophie-H?l?ne-B?atrix, qui mourut le 19 juin suivant.
Ainsi, de cette nombreuse famille, il ne restait plus que deux enfants, le Dauphin et Madame de France, lorsque madame de Tourzel fut appel?e ? prendre aupr?s d'eux la place que lui imposait la confiance du Roi et de la Reine.
Apr?s la mort de Robespierre, madame de Tourzel, qui, avec son fils et ses filles, Pauline et la duchesse de Charost, avait ?chapp? comme par miracle ? l'?chafaud, se retira dans sa terre d'Abondant, pr?s de Dreux. Elle y demeura jusqu'? la Restauration, absorb?e dans ses douloureux souvenirs, partageant tous ses instants entre le culte des augustes victimes dont elle avait ?t? la derni?re confidente et les soins de la plus active charit?. L?, sous les ombrages s?culaires de son beau parc, elle avait ?rig? un modeste monument expiatoire, sur lequel le visiteur ?mu peut encore aujourd'hui lire cette touchante inscription qu'elle avait elle-m?me dict?e:
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H?las! de toutes ces grandeurs qu'elle avait connues, de tous ces nobles martyrs qu'elle avait aim?s, il ne restait, en effet, plus rien! Leurs cendres, confondues dans la fosse commune de Mousseaux et de Sainte-Marguerite, ou br?l?es dans la chaux vive du cimeti?re de la Madeleine, n'?taient m?me plus l? pour recevoir les pieux hommages d'un d?vouement que les circonstances avaient ?lev? jusqu'? la hauteur de l'h?ro?sme!
Ce n'?taient pas seulement le Roi, la Reine et l'infortun? Dauphin qui reposaient dans ces tombes que la r?publique croyait vou?es ? un ?ternel oubli! La grandeur de la France, d?velopp?e pendant tant de si?cles ? l'abri des institutions tut?laires de la royaut?, avait, elle aussi, succomb? dans la tourmente r?volutionnaire. L'agonie de ces malheureux princes ?tait en m?me temps l'agonie de la France, et tous les bons Fran?ais comprenaient que ces terribles ?v?nements entra?naient, avec la ruine de la royaut?, la ruine de leur patrie. En effet, on n'avait pas encore su ?tablir une distinction subtile entre la France et le Roi; qui aimait l'un aimait l'autre, qui mourait pour la patrie mourait pour le Roi, qui mourait pour le Roi mourait pour la patrie.
Depuis le moment n?faste o? la r?volution a bris? ce faisceau sacr?, les d?sastres ont succ?d? aux d?sastres, les catastrophes se sont accumul?es sur les catastrophes, le d?sordre enfin s'est librement d?velopp? avec une audace de plus en plus grande; il en sera ainsi jusqu'au jour o? la France d?sabus?e comprendra qu'il lui faut renouer la cha?ne bris?e de ses traditions s?culaires si elle ne veut, apr?s avoir ?t? la premi?re parmi les nations civilis?es, devenir un triste exemple de la d?cadence o? les peuples sont entra?n?s par l'abandon de tous les grands principes politiques et religieux.
Madame de Tourzel passa donc ? Abondant les derni?res ann?es du dix-huiti?me si?cle. Les habitants de cette petite commune avaient appris ? respecter cette profonde douleur; ils en vinrent promptement ? v?n?rer celle que la bienfaisance seule pouvait arracher ? ses tristes pens?es et au p?lerinage quotidien qu'elle faisait, escort?e d'un serviteur fid?le, au monument dont nous avons parl? plus haut. Un jour,--l'orgie r?volutionnaire n'?tait pas encore termin?e,--une de ces bandes de malfaiteurs qui sillonnaient alors les provinces voulut abattre les belles futaies du parc d'Abondant, qu'ils jugeaient incompatibles avec les principes de l'?galit?. La population, d'un mouvement spontan?, emp?cha ce m?fait et dispersa les pillards.
Le corps est plac? sous le mur ext?rieur de l'?glise, dans le cimeti?re dont elle est entour?e, de fa?on que la bonne duchesse, comme l'appelaient les habitants, repose au milieu d'eux. C'est de ce c?t? que se trouve l'inscription fran?aise, que nous donnons ici; l'inscription latine est dans l'?glise.
Les M?moires que nous publions ont ?t? imprim?s sur le manuscrit original, qui appartient ? M. le duc des Cars: aucune alt?ration n'y a ?t? apport?e, et un pieux respect a pr?sid? aux moindres d?tails de cette publication, dont toutes les notes sont de la main m?me de l'auteur.
Il nous reste maintenant ? remplir un dernier devoir, pour satisfaire ? la fois ? la v?rit? et ? la volont? formelle de madame la duchesse de Tourzel.
Le marquis de Bouill? dit, dans ses M?moires, que l'opini?tret? de madame de Tourzel ? vouloir suivre le Dauphin dans le voyage de Varennes avait emp?ch? le Roi de prendre dans sa voiture un militaire distingu?, qui e?t pu, par son intervention, ?tre d'une importance capitale. Madame de Tourzel d?clare que la Reine fut la seule qui lui fit part de ce voyage, et qu'il ne lui fut jamais dit qu'il ?tait question de la remplacer par qui que ce f?t. On lui demanda simplement si sa sant? serait un obstacle. <
Le caract?re de courage et de droiture de madame de Tourzel lui eussent fait supporter des torts r?els, mais ces griefs suppos?s lui ?taient tr?s-p?nibles, et sa famille se demandait comment d'autres auteurs avaient pu r?p?ter une attaque, si injuste.
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Madame la duchesse de Tourzel prenait soin de faire conna?tre sa pens?e sur ce sujet ? tous les membres de sa famille. <
LA FERRONNAYS.
M?MOIRES
MADAME LA DUCHESSE DE TOURZEL
CHAPITRE PREMIER
ANN?E 1789.
S?jour ? Versailles.--Journ?es des 5 et 6 octobre.--?tablissement du Roi ? Paris.--Continuation de la fermentation existant dans cette ville.--Conduite du Roi ? l'?gard des Parlements de Rouen et de Metz.--Arrestation de diverses personnes.
Appel?e par mon souverain ? la place honorable de gouvernante des Enfants de France, ? l'?poque o? la R?volution commen?ait ? prendre le caract?re le plus effrayant, je re?us le pr?cieux d?p?t qui m'?tait confi?, avec la ferme r?solution de consacrer ma vie ? r?pondre ? la confiance de Leurs Majest?s, et ? leur prouver le respectueux attachement dont j'?tais p?n?tr?e pour leurs augustes personnes.
Mgr le Dauphin, ?g? de quatre ans, ?tait d'une figure charmante et d'une intelligence surprenante, qui se d?veloppait chaque ann?e de mani?re ? donner les plus hautes esp?rances, si la m?chancet? des hommes n'avait enseveli dans le tombeau tant de gr?ces, d'esp?rances et de qualit?s propres ? soutenir dignement le rang o? le ciel l'avait plac?.
Comme tous les yeux ?taient ouverts sur Mgr le Dauphin, la Reine me demanda de ne pas le perdre de vue un instant, et de me borner ? une surveillance g?n?rale sur Madame, qui, ?tant ?g?e de dix ans, devait recevoir une ?ducation qui ne pouvait se rapprocher de celle de son fr?re.
La tendresse de la Reine pour ses enfants lui faisait d?sirer d'?tre fr?quemment avec eux; j'eus l'honneur d'approcher de tr?s-pr?s cette noble et courageuse princesse, et d'appr?cier ses grandes qualit?s. C'est pour moi un besoin de rappeler le r?cit des vertus de mes augustes et infortun?s souverains, ainsi que d'offrir ? leur m?moire l'hommage de l'attachement que je leur conserverai jusqu'? mon dernier soupir.
Trop d'?v?nements douloureux ont d?chir? mon coeur et contrist? mon esprit pour n'avoir pas affaibli ma m?moire; les fr?quentes arrestations que j'ai ?prouv?es et les dangers, que j'ai courus ne m'ayant pas permis de conserver les notes que j'avais faites, je ne puis plus ?crire que les faits qui se rappellent le plus ? mon souvenir, dans les ?v?nements si frappants dont j'ai eu le malheur d'?tre t?moin.
Je m'?tablis ? Versailles, les premiers jours d'ao?t 1789. Le Roi et la Reine ne pouvaient voir sans effroi les d?crets d?sorganisateurs de l'Assembl?e se succ?der avec une rapidit? effrayante. La plupart des domestiques de la famille royale ?taient gagn?s par les factieux, en ?taient les espions et leur rendaient le compte le plus exact de tout ce qu'on y faisait, de ceux qui y ?taient admis et des diverses impressions qu'elle ?prouvait. D'autres personnes, qui d?siraient conserver ? la fois leur influence politique et leur attachement pour Leurs Majest?s, jetaient dans l'esprit de celles-ci des inqui?tudes continuelles, sous pr?texte de leur rendre compte de ce qui se passait, les emp?chant ainsi de prendre un parti d?cisif, en leur mettant perp?tuellement sous les yeux les inconv?nients qui en pourraient r?sulter.
Au mois de septembre de cette ann?e, le Roi, fatigu? de sa position et ne pouvant se dissimuler l'avantage que tiraient les factieux de la proximit? de Paris, pensa s?rieusement ? quitter Versailles. Il voulait, en s'?loignant de cette ville, ?ter la possibilit? de r?aliser des projets que les propos incendiaires des Jacobins ne donnaient que trop de raison de redouter. Leurs Majest?s, toujours pleines de bont?, eurent celle de me pr?venir de me mettre en mesure de partir sans aucune pr?paration, si les circonstances l'exigeaient. Elles n'?taient point encore d?cid?es sur le lieu o? elles devaient s'?tablir, et je l'ai toujours ignor?; mais elles chang?rent bient?t d'avis et se r?solurent ? rester ? Versailles.
Cependant les victimes se multipliaient, et les crimes restaient impunis. La populace de Versailles pensa mettre ? la lanterne un malheureux boulanger, dont tout le crime ?tait ? ses yeux de faire deux sortes de pain; elle pilla sa boutique, et l'on eut bien de la peine ? le tirer de ses mains. On profita de cette circonstance pour faire sentir ? la municipalit? la n?cessit? d'augmenter la force r?pressive; elle autorisa en cons?quence le comte d'Estaing, commandant de la garde nationale de Versailles, ? solliciter l'arriv?e d'un secours de mille hommes de troupes r?gl?es, et le r?giment de Flandre re?ut l'ordre de se rendre ? Versailles.
L'esprit de ce r?giment ?tait alors excellent, ainsi que celui des chasseurs de Lorraine, qui ?tait alors en garnison ? Meudon. Ces deux corps, r?unis aux gardes du corps, ?taient plus que suffisants pour donner au Roi la possibilit? de quitter Versailles sans ?prouver la plus l?g?re difficult?, et il e?t peut-?tre ?vit? par cette mesure tous les malheurs qui l'ont conduit ? sa perte.
Les gardes du corps, attach?s du fond du coeur ? la famille royale, p?n?tr?s de regret de s'?tre laiss? entra?ner ? pr?senter au Roi des r?clamations d?plac?es, d?siraient ardemment trouver l'occasion de r?parer leur faute et donner des preuves de l'attachement que leur conduite h?ro?que a si ?videmment prouv?. Ils r?solurent d'employer tous les moyens possibles pour emp?cher la corruption du r?giment de Flandre, le conserver fid?le au Roi, et ils se flattaient d'y r?ussir en lui inspirant estime et confiance. Ils commenc?rent par leur proposer un repas de corps, o? ils invit?rent tout ce qu'il y avait de troupes ? Versailles; et quoique la composition de la garde nationale de cette ville p?t leur donner quelque inqui?tude, elle n'en fut pas moins invit?e ? ce repas, qui se donna dans la salle de la Com?die.
Il ?tait superbe, et chacun des convives t?moignait un tel attachement au Roi et ? la famille royale, qu'on engagea Sa Majest? ? combler leurs voeux en les honorant de sa pr?sence. L'arriv?e du Roi, accompagn? de la Reine et de M. le Dauphin, fit le plus grand effet: les cris de: Vive le Roi, la Reine, M. le Dauphin et toute la famille royale! n'eurent pas besoin d'?tre command?s; c'?tait l'?lan du coeur, et l'on reconnut encore en ce moment celui des Fran?ais. L'?motion qu'?prouvaient toutes les personnes fid?les au Roi rendit cette soir?e aussi touchante qu'int?ressante. Les coeurs et les t?tes ?taient tellement ?lectris?s, que Sa Majest? aurait ?t? accompagn?e de tous ces braves gens, partout o? elle aurait voulu se retirer. On ne profita malheureusement pas de cette bonne disposition, et les factieux, furieux et inquiets du sentiment qu'inspirait encore la personne du Roi, ne perdirent pas un moment pour gagner le r?giment de Flandre et soulever les esprits.
Ils feignirent d'abord les plus vives inqui?tudes sur les suites d'un repas qui n'?tait, disaient-ils, que le pr?lude de la contre-r?volution; ils parvinrent ensuite ? organiser un mouvement assez violent pour forcer le Roi ? venir ? Paris et consommer plus facilement l'ex?cution de leurs desseins. Quoiqu'ils cachassent encore le projet de renverser le Roi de son tr?ne pour y placer le Duc d'Orl?ans, la violence de leurs d?clamations contre leur souverain et la conduite du c?t? gauche de l'Assembl?e ne laissaient que trop apercevoir le voeu r?el de leur coeur.
JOURN?ES DES 5 ET 6 OCTOBRE, ET ARRIV?E A PARIS.
Quand les factieux eurent dispos? la populace au r?le qu'ils voulaient lui faire jouer, ils rassembl?rent leurs troupes auxiliaires, compos?es de tous les bandits de la capitale, et s'en all?rent tumultueusement en armes ? l'H?tel de ville se plaindre de la raret? du pain. Elle ?tait, disaient-ils, occasionn?e par des accaparements faits par ordre de la Cour, qui voulait, par la famine, les remettre sous le joug du despotisme. Ils forc?rent les membres de la Commune ? donner l'ordre ? M. de la Fayette de conduire la garde nationale ? Versailles, pour obliger le Roi ? venir ? Paris, et ? ramener par sa pr?sence l'abondance dans la capitale. Une troupe de brigands, parmi lesquels ?taient beaucoup d'hommes habill?s en femmes et de poissardes ivres, qui avaient l'air de v?ritables furies, pr?c?da la garde nationale, for?ant ? la suivre toutes les personnes qu'elle rencontrait sur son chemin.
Le Roi ?tait ? la chasse et n'avait pas la moindre connaissance de ce qui se passait ? Paris, lorsque M. de la Dev?ze, gentilhomme dauphinois, vint l'avertir de la marche de ces bandits. Les chevaux de Mgr le Dauphin ?taient mis pour aller ? la promenade; il e?t ?t? bien facile ? la Reine de monter dans sa voiture avec Madame et d'aller rejoindre le Roi. On n'en eut malheureusement pas l'id?e, et le Roi inquiet revint sur-le-champ ? Versailles.
M. de Narbonne-Fritzlard, qui se trouvait en ce moment aupr?s du Roi, supplia Sa Majest? de lui donner quelques troupes, avec quelques pi?ces de canon, l'assurant qu'elle serait bient?t d?barrass?e de cette troupe de bandits. <
M. de Saint-Priest, ministre de la maison du Roi, conseilla alors ? ce prince de partir de Versailles, et il y paraissait dispos?, lorsque l'ayant quitt? un instant pour conduire ? l'abbaye de Saint-Cyr madame de Saint-Priest, pr?s d'accoucher, M. Necker profita de son absence pour jeter dans l'esprit du Roi tant d'inqui?tudes sur les suites de ce parti, et sur l'impossibilit? de pouvoir trouver l'argent n?cessaire pour la subsistance des troupes et de sa maison, qu'il le fit changer de r?solution.
Pendant toutes ces incertitudes, les brigands entouraient les grilles du ch?teau, et ayant appris la d?fense de tirer sur eux, ils attaqu?rent les gardes du corps, en bless?rent beaucoup, en massacr?rent plusieurs, et se r?pandirent dans Versailles. La garde nationale de cette ville, qui s'?tait jointe ? eux, commen?a ? faire feu sur les gardes du corps, et ce fut de ses rangs que partit le coup qui cassa le bras ? M. de Savonni?res, officier des gardes du corps. Ceux-ci, fr?missant de douleur et de rage de ne pouvoir se d?fendre, rest?rent cependant impassibles; la crainte d'exposer les jours du Roi et de la famille royale retenait leurs bras, et il est impossible de rencontrer un d?vouement plus h?ro?que que le leur.
Le Roi, profond?ment afflig? de ce qui se passait, parut penser encore ? quitter Versailles, et donna l'ordre de faire monter les voitures au ch?teau; mais elles furent arr?t?es par les propres gens de l'?curie de Sa Majest? et par la garde nationale de Versailles, et il ne fut plus question de d?part. Le Roi avait fait venir une partie des gardes du corps dans les cours du ch?teau, et ensuite sur la terrasse de l'Orangerie, d'o? il les fit partir pour Rambouillet, sous la conduite du duc de Guiche, ne gardant que ceux qui faisaient le service de l'int?rieur du ch?teau.
Pendant que ce dernier ?tait investi, et que les brigands parcouraient la ville, l'Assembl?e ne s'occupait que de faire sanctionner son d?cret du 30 septembre, pour l'acceptation des premiers articles de la Constitution, et nomm?ment de la d?claration des Droits de l'homme. Elle d?cr?ta d'abord que le pr?sident irait ? la t?te d'une d?putation demander au Roi l'acceptation pure et simple du d?cret. Elle ne voulut point ?couter les repr?sentations du Roi sur l'inconv?nient de donner sa sanction ? des d?crets isol?s, sans avoir vu l'ensemble de la Constitution; et quoique, pour ?ter toute d?fiance sur ses intentions, il consentit ? donner cette sanction, la r?serve qu'il y avait mise de conserver en entier entre ses mains le pouvoir ex?cutif et de ne s'expliquer sur la d?claration des Droits de l'homme que lorsque la Constitution serait achev?e, avait extr?mement d?plu ? l'Assembl?e. Celle-ci, plus occup?e d'en venir ? ses fins que des dangers que couraient le Roi et la famille royale, insista de nouveau sur l'acceptation pure et simple du d?cret, et fit demander l'heure de Sa Majest?, pour recevoir la d?putation qu'elle lui enverrait ? ce sujet. Le Roi consentit ? la recevoir ? neuf heures du soir. M. Mounier, pr?sident de l'Assembl?e, ?tait ? sa t?te; et croyant le salut du Roi attach? ? cette sanction, il le pressa tellement de la donner, que le prince ne put la refuser. Plein d'espoir du succ?s de cette d?marche, le pr?sident retourna ? l'Assembl?e, et ne vit que trop clairement, en y arrivant, quel ?tait l'esprit qui la dirigeait, et qu'on ne pouvait compter sur son appui dans la circonstance critique o? l'on se trouvait.
Le Roi, dont la position devenait ? chaque moment plus inqui?tante, ayant t?moign? le d?sir de consulter l'Assembl?e sur le parti qu'il y avait ? prendre au milieu de tant de dangers, M. Mounier, accompagn? de plusieurs d?put?s, se rendit de nouveau chez le prince, au moment o? l'on avertissait celui-ci de l'arriv?e de M. de la Fayette, ? la t?te de la garde nationale parisienne. Le g?n?ral monta sur-le-champ chez le Roi, et lui dit que n'ayant pu emp?cher l'arriv?e des Parisiens ? Versailles, il venait le d?fendre avec sa garde nationale, et qu'il suppliait Sa Majest? de vouloir bien lui confier la garde des postes ext?rieurs du ch?teau. Le prince y consentit, et fit relever par la garde nationale les gardes du corps, qui se retir?rent dans leurs salles, dans l'int?rieur du ch?teau.
Les poissardes demandaient ? grands cris ? parler au Roi, pour lui porter le voeu des habitants de Paris, et on ne put les calmer qu'en en admettant douze chez le malheureux prince. Sa bont? les d?sarma, et leurs opinions ?taient si chang?es en retournant vers leurs compagnes, qu'elles faillirent ?tre victimes de leur fureur.
Le Roi dit alors ? M. Mounier que, vu l'?tat actuel des choses, il n'avait plus de conseil ? demander, mais qu'il l'assurait qu'il ne se s?parerait pas de l'Assembl?e nationale. M. Mounier y retourna sur-le-champ, et trouva la salle occup?e par une multitude de femmes ivres et de bandits. Il y avait un tel tumulte, qu'il se vit forc? de lever la s?ance.
La Reine montra dans cette journ?e cette grandeur d'?me et ce courage qui l'ont toujours caract?ris?e. Sa contenance ?tait noble et digne, son visage calme; et quoiqu'elle ne p?t se faire d'illusion sur tout ce qu'elle avait ? redouter, personne n'y put apercevoir la plus l?g?re trace d'inqui?tude; elle rassurait chacun, pensait ? tout, et s'occupait beaucoup plus de ce qui lui ?tait cher que de sa propre personne.
Cette princesse ?tait convenue avec moi qu'au moindre bruit je conduirais ses enfants chez elle; mais elle fit dire ? onze heures du soir que si l'on avait de l'inqui?tude, je les menasse, au contraire, sur-le-champ chez le Roi. Elle venait d'?tre avertie des dangers personnels qu'elle pouvait courir dans son appartement, et on l'avait engag?e ? passer la nuit dans celui du Roi; mais elle s'y refusa positivement: <
Le calme succ?da au tumulte, et M. de la Fayette, qui ?tait retourn? dans la ville, s'endormit tellement sur cette apparente tranquillit?, qu'il remonta encore au ch?teau, pour assurer le Roi et la Reine qu'ils n'avaient plus rien ? craindre, les diff?rentes personnes envoy?es dans la ville ayant confirm? la tranquillit? qui y r?gnait. La Reine me fit dire ? deux heures du matin qu'elle allait se coucher, et qu'elle me conseillait d'en faire autant. Les alarmes que l'on avait ?prouv?es se dissip?rent. L'illusion fut compl?te, et chacun se retira tranquillement chez soi.
Les brigands ne s'endormaient pas, et, assur?s de la garde nationale de Versailles, ils s'occupaient de l'ex?cution de leurs projets. Un m?lange de superstition qui accompagnait leur barbarie, et qu'on aura peine ? croire, les fit aller ? six heures du matin chez le cur? de Saint-Louis, dans la paroisse duquel ils avaient pass? la nuit, pour le prier de leur dire la messe. A peine ?tait-elle finie, qu'une partie de leur horde se r?pandit dans la ville, for?a l'h?tel des gardes du corps, massacra ceux qu'elle rencontra, et s'empara de plusieurs autres, qu'elle conduisit ? la grille du ch?teau pour d?lib?rer sur le supplice qu'elle leur infligerait. L'autre partie for?a les grilles, et se r?pandit dans les cours et les terrasses du c?t? du jardin, pour p?n?trer ensuite dans le ch?teau. Ces bandits, qui n'?prouvaient aucun obstacle, massacr?rent deux gardes du corps qui ?taient en sentinelles sous la vo?te de l'appartement de Mesdames, tantes du Roi, et leur firent couper la t?te par un monstre qui les suivait, et qui se faisait appeler le Coupe-t?te. Ils mont?rent ensuite le grand escalier et all?rent droit ? l'appartement de la Reine. Les gardes du corps, quoiqu'en petit nombre, en d?fendirent l'entr?e avec le plus grand courage; plusieurs furent bless?s dangereusement, entre autres MM. de Beaurepaire et de Sainte-Marie; mais ils eurent heureusement le temps de crier: <
Ce sc?l?rat s'appelait Jourdan, et figura depuis dans les diverses sc?nes de carnage de la R?volution, et nomm?ment dans les massacres d'Avignon, comme nous le dirons en son lieu.
M. Miomendre de Sainte-Marie est mort en ?migration, et je ne l'ai pas vu depuis cette horrible journ?e. M. de Beaurepaire venait faire sa cour au Roi et ? la Reine aussi souvent qu'il le put sans danger. M. le Dauphin voulut le voir dans mon appartement, et le fit prier d'y venir d?s qu'il le sut ? Paris. Il se jeta dans ses bras, l'embrassa, et lui dit: <
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